Bibliothèque nationale de luxembourg

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Tony Dutreux – Voyage en Orient


Les débuts de la pratique de la photographie amateur au Luxembourg sont incertains. Mis à part quelques rares daguerréotypes, à notre connaissance, les photographies les plus anciennes réalisées au Luxembourg, datent de la seconde moitié du 19ème siècle. Ce n’est qu’en 1894 que le Cercle luxembourgeois d’amateurs photographes voit le jour. Ce cercle est présent à l’exposition universelle de 1900 à Paris. Tony Dutreux expose, entre autre, à côté de l’ingénieur Ernest Barblé et de l’architecte Pierre Funck. L’association remporte une médaille d’argent à cette grande exposition internationale.
Tony Dutreux, né Jean-Pierre Auguste Antoine, à Luxembourg le 3 mai 1838, est le fils d’Auguste Dutreux, receveur général et d’Elisabeth (Lily) Pescatore. En 1859, il obtient le diplôme d’ingénieur de la prestigieuse Ecole centrale des arts et manufactures de Paris et réalise par la suite les dessins d’architecture de la Fondation Pescatore, construite à l’aide des fonds du legs de Jean-Pierre Pescatore, son grand-oncle.
En janvier 1867, Tony Dutreux, alors âgé de 28 ans, effectue un voyage en Orient. Il visite à cette occasion l’Egypte et la Palestine. La copie manuscrite des lettres de Dutreux sera léguée à la Bibliothèque nationale de Luxembourg (BnL) par son fils. Les tirages présentés à la BnL proviennent de l’album de photos relatif au même voyage.
Son compagnon de voyage, Louis Tribert, est mentionné dans la correspondance. La première lettre est datée du 18 janvier 1897. Les dernières datent de la seconde moitié d’avril de la même année. Il se trouve à Suez à l’époque du percement de l’isthme et rencontre Ferdinand de Lesseps, le constructeur du canal. Dutreux, de par sa formation d’ingénieur, est enthousiaste: « figurez-vous bien les moyens de transport et de travail des terres employés à la fois et dans le plus pittoresque désordre. Voici quelques éléments du tableau: des bandes d’ouvriers de toutes les nations, bédouins, grecs, italiens, nègres, allemands, qui travaillent aux berges du canal à côté d’eux d’immenses dragues qui creusent le fond avec une régularité irrésistible et versent le sable dans de longs trains, qu’enlèvent les locomotives. D’autres wagons sont traînés par des chameaux.» 
Son voyage est facilité par ses contacts: «Tous les consuls se mettent en quatre pour moi. Mon titre me sert d’autant mieux qu’il est si vague et si inconnu». (Secrétaire de S.M. le Roi des Pays-Bas pour les Affaires du Grand-Duché de Luxembourg).
Il n’est fait mention de photographie qu’une seule fois: lorsque Tony Dutreux prend le site de Petra en photo, Tribert lui fait remarquer « qu’on peut avoir les photographies à Paris ». Là-dessus, Dutreux lui répond: « je n’ai pas la prétention de leur faire concurrence ».
À Jérusalem, il déplore que « tous ces endroits révérés sont naturellement l’objet de querelles incessantes, de haines mortelles entre les diverses sectes. Je suis persuadé que si les Turcs n’étaient pas ici pour maintenir l’ordre, le sang coulerait bien souvent ». Tout au long de son voyage, il lit la Bible et observe qu’elle « se comprend bien mieux quand on a vu l’Orient. On peut dire qu’aux mœurs rien n’est changé depuis Moïse ».
Le succès du voyage de Dutreux se lit dans les lignes suivantes: «Je trouve qu’aujourd’hui tout homme qui a le bonheur d’appartenir aux classes instruites de la société, et à qui ses moyens, et sa santé le permettent, doit avoir vu les pays dans lesquels se sont passés les événements les plus importants de notre histoire religieuse, et qui par-là sont devenus le berceau de notre civilisation.» 
Les photographies de ce voyage représentent une autre manière d’appréhender le Moyen Orient. 
Elles procurent un aperçu de la diversité culturelle et ethnique de cette région au 19ème siècle. 
De ce fait, elles constituent une source documentaire dont la valeur historique va bien au-delà du texte.

Tony Dutreux (1838-1933) siègera à la Chambre des députés de 1881 à 1886, sera nommé commissaire général du gouvernement luxembourgeois aux Expositions universelles de Paris de 1867, 1878, 1889 et 1900 et participera activement à la vie économique et industrielle du Luxembourg.
Louis Tribert (1819-1899) sera l’un des 116 sénateurs inamovibles de la Troisième République de 1875 à 1899.

Bibliographie:
Tony Dutreux, Voyage en Orient 1867 – correspondance et journal, Réserve précieuse de la Bibliothèque nationale de Luxembourg, MS. 286.
Mersch, Jules, Biographie nationale du pays de Luxembourg depuis ses origines jusqu’à nos jours, fascicule 2, Luxembourg, éd. J. Mersch, 1949.
Wehenkel, Antoine, Chronique de la Famille Pescatore, Luxembourg, Association luxembourgeoise de généalogie et d’héraldique, 2002.
Weber, Josiane, Familien der Oberschicht in Luxemburg: Elitenbildung & Lebenswelten: 1850-1900, Luxemburg, éd. Binsfeld, 2013.
Thill, Edmond, Charles Bernhoeft: photographe de la Belle Époque, Luxembourg, Musée national d’histoire et d’art, 2014.