disparition(s)
DISPARITION(S) rassemble des œuvres qui explorent les frontières entre réalité et fiction, qui sillonnent les différentes stratégies de survie que nous pouvons être amené à déployer quand la réalité est insoutenable ou trop dure à affronter. Qu’elle soit physique ou sociale, volontaire ou fortuite, une disparition a souvent partie liée avec la douleur, l’indicible, le vertigineux, le mystère.
ZONE DE REPLI, de Cédric Delsaux, propose une plongée subjective et troublante dans la vie d’un homme qui a fait du mensonge la charpente de sa vie, de la fiction un mode de contournement du réel ; imposture qui l’a conduit au meurtre de ses proches, c’est à dire au pire. C’est la géographie de cette existence gangrénée par « une vision affaiblie du réel » – fait divers ayant fait l’objet d’une adaptation littéraire et cinématographique -, que l’auteur nous propose de parcourir avec lui, interrogeant par ricochet l’intensité des secrets ou des fictions que nous portons tous en nous, à des degrés divers.
Dans MUKASHI MUKASHI, de Anush Hamzehian et Vittorio Mortarotti, au contraire, la mort est première, accidentelle, initiatique, et la fiction salvatrice. La perte du frère aîné, point de départ de l’œuvre, donne lieu à une quête où se mêle passé et présent contrefactuel, histoire singulière et histoire collective. Voyage choral dans lequel la disparition porte en elle l’acceptation d’un deuil et les nécessaires germes d’une reconstruction de soi.
L’enquête LES ÉVAPORES DU JAPON menée par la journaliste Léna Mauger et le photographe Stéphane Remael aborde, quant à elle, la stupéfiante réalité des disparus volontaires au Japon. Pour diverses raisons liées le plus souvent à la pression sociale ou à celle de l’endettement, des milliers de japonais organisent chaque année leur disparition, sans jamais se retourner sur leur passé. Ici, la disparition peut renvoyer tour à tour à la réalité concrète de l’effacement social, du suicide ou à la métaphore des « évaporés », expression courante ancrée dans l’histoire du Japon depuis l’époque féodale, et qui désigne aujourd’hui ceux qui se sont exilés de leur propre vie, portant en eux le deuil de ce qu’ils furent mais aussi l’espoir de renaitre.
DISPARITION(S) est organisée en écho à Memory Lab, série thématique d’expositions présentée dans le cadre du Mois Européen de la Photographie (EMoP) autour d’une approche polysémique de la notion de mémoire. EMoP fédère des institutions européennes consacrées à la photographie, à Athènes, Berlin, Bratislava, Budapest, Ljubljana, Luxembourg, Paris et Vienne.
Jean-Luc Soret, commissaire d’exposition