Musée national d'archéologie, d'histoire et d'art

Musée national d'archéologie, d'histoire et d'art

Marché-aux-Poissons L- 2345 Luxembourg

Tél: (+352) 47 93 30-1 Ma - Dim: 10h00 - 18h00 Je: 10h00 - 20h00

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Bodyfiction(s) 1


La représentation du corps (masculin ou féminin) dans les arts – en peinture, sculpture ou photographie – est un thème récurrent et quasi incontournable tant le genre est présent dans la production de la plupart des artistes.
Les femmes photographes aujourd’hui se sont radicalement éloignées des critères traditionnels qui caractérisent le genre; elles ont occupé le terrain en le redessinant.
La photographie devient un jeu avec les apparences où la mise à distance, sur un mode plaisant, critique, ironique, reflète comme dans un miroir déformant les conventions et clichés de notre époque.
C’est ainsi que se constituent, dans ces images, de nouvelles fictions personnelles construites autour du statut propre de l’artiste, de sa perception des attitudes, modèles et rôles correspondant fréquemment au sexe, genre, ce qui définit la féminité ou virilité. D’où le titre de « fictions corporelles » qui couvre un large éventail d’aspects de ce que l’on peut comprendre par une photographie qui représente le corps.

C’est ainsi que Maisie Cousins ​​s’intéresse particulièrement à la beauté féminine, dans le contexte de l’environnement social et culturel d’aujourd’hui – à dominante érotique ou consumériste – où les clichés habituels sur la féminité et la séduction sont contestés. Tout en reconnaissant qu’on devient facilement une « fashion victim », elle est en mesure de jouer sur les deux tableaux, celui de la séduction et celui de la répulsion.
Les œuvres de Juno Calypso se situent dans le prolongement de celles de Cousins. Le décor qui nous est montré est celui d’un film noir alors même que c’est la couleur rose qui domine. L’artifice est omniprésent et le corps de la femme est comme saisi dans une multitude de miroirs, ou étouffe sous un masque de beauté qui fait penser à l’assassin du Silence des Agneaux.
La Japonaise Izumi Miyazaki, hésitant entre l’humour glacial de réalisateurs comme Alfred Hitchcock ou celui plus macabre de David Lynch, nous propose des images de jeunes filles à la fois mignonnes
Dans un autre registre – mais toujours dans un monde de bizarreries inquiétantes contre-balancées par la critique des clichés habituels de la publicité véhiculant les modèles de la femme parfaite et heureuse – les images de Weronika Gęsicka détournent les photographies des années 1950 et 1960. Celles-ci montrent souvent des scènes de famille pittoresques dont l’harmonie totale est presque insupportable.
Eva Schlegel trouve souvent des idées pour ses œuvres dans les images des magazines de mode, des journaux. Elle les agrandit, les copie ou les re-photographie, brouille le sens initial pour ne laisser que les traces indistinctes d’une mémoire évanescente. Elle réduit ainsi à dessein le contenu informationnel des images, adoucit les motifs et les abandonne à leurs contours schématiques.L’œuvre devient ainsi une espèce de distanciation analytique et critique de la représentation photographique de la femme dans les médias.

Caroline Heider examine notre rapport à l’image. En pliant manuellement des photographies tirées de magazines, elle modifie leurs formes, leurs contenus et leurs messages. Le pli dévore une partie des informations de l’image – des parties du corps telles que la tête, le torse ou les jambes disparaissent dans la fissure. Sont ainsi revues et modifiées des œuvres phares de l’histoire de la photographie (les photos de mode d’Edward Steichen ou de Dora Kallmus) dont la représentation du corps féminin peut sembler conventionnelle au regard des normes actuelles.
Avec humour et une nette volonté de prendre ses distances avec l’image érotique, la suédoise Eva Stenram reprend le thème de la séduction et du désir en retravaillant les images des magazines des années 50 ou 60 et des images d’archives. Les Pin-Up magazines de l’époque donnaient à voir ce qui, en principe, devait rester pudiquement dérobé au regard des hommes. Par modification digitale ou analogique, l’artiste intervient sur ces images pour de nouveau cacher l’objet du désir, ne faisant apparaître qu’une jambe derrière un rideau ou un bras posé sur une commode, en jouant sur tout un registre de la séduction qui se fonde non pas sur la présence mais sur l’absence.
Bien qu’Annelie Vandendael soit une photographe de mode et que son travail figure dans des magazines comme Elle, son approche de la femme est teintée d’une distanciation amusée. L’image reste belle et la femme séduisante, mais la configuration du décor, le choix des lieux, et l’angle de prise de vue créent un décalage parfois comique, parfois aussi plus inquiétant.
l’Autrichienne Mira Loew représente des jeunes femmes dont la chevelure a remplacé le visage. Négation du portrait traditionnel, ces anti-portraits nous apparaissent comme un mauvais rêve car l’artiste élimine le visage, la bouche, les yeux ; disparaissent les signes qui nous permettent d’identifier une personne – le regard surtout – pour ne laisser subsister que les éléments d’identification secondaires.
Claudia Huidobro vient également de la mode – elle a été mannequin – et se met en scène dans une série appelée « Tout contre » (titre à multiples interprétations) sans laisser voir sa tête et donnant la parole exclusivement au corps, aux jambes, aux mains, qui occupent un espace nu, abandonné ou en rénovation.
Avec Smith on entre dans un univers où le moi érotique se voit confronté à une réalité émotionnelle parfois onirique parfois bien cruellement réelle. La caractéristique sous-jacente de ce sujet est l’ambiguïté ou l’état binaire de l’esprit et du corps, l’hésitation entre le genre masculin ou féminin.
Mike Bourscheid n’est pas un photographe à proprement parler. Touchant à tous les métiers et techniques comme un artiste de la Renaissance, ses photographies sont l’illustration de performances et l’expression d’une vision multiforme du corps qui se prête à toutes les mises en scène.