passé / présent – transformations
Souvent rattaché à la photographie humaniste, le photographe luxembourgeois Yvon Lambert a représenté pendant longtemps, à travers ses photographies analogues et en noir et blanc, une certaine mélancolie de la vie dans le sud du Luxembourg. Des séries comme Differdange – à la rencontre d’un lieu, réalisées entre 2003 et 2005 montrent comment il réussit à travers son approche personnelle de la photographie « lente » à créer des ambiances particulières où le temps semble s’être arrêté.
La série Derniers feux, commandée par la Ville d’Esch-sur-Alzette, retraçant les derniers jours d’activité du Haut-Fourneau B d’Esch-Belval en 1997, est un autre exemple de cette démarche esthétique qui correspond à un langage photographique qui se construit lentement à partir d’une déambulation face au motif. Avec son style particulier qui se nourrit de poésie formelle, de jeu de lumières, de richesse du détail, Yvon Lambert sait exprimer la force du lieu et l’exaltation d’un monde du travail révolu. La composition souvent fragmentaire et malgré un certain flou voulu, nous fait découvrir d’innombrables détails d’objets et de machines qui font un avec l’homme.
La lumière qui contraste avec les fonds noirs, le clair-obscur dans les halles de coulée dans lequel baignent ces ouvriers confèrent une dimension presque sacrée au lieu.
Au-delà de l’hommage au Bassin Minier, l’artiste qui connaît bien cette région du Sud, pour y avoir vécu depuis son enfance, a certainement voulu rendre intemporelle des lieux qui l’ont marqué personnellement mais qui sont toujours ancrés dans la mémoire collective de la société luxembourgeoise du XXe et XXIe siècle.
Il était d’autant plus normal qu’Yvon Lambert retourne sur ces lieux pour défier la transformation de ce site qui se prépare pour accueillir les étudiants de l’Université du Luxembourg. Pour cela il a choisi la couleur, des angles décalés et des perspectives futuristes. De l’ambiance parfois éthérée des photographies en noir et blanc, Lambert passe à une vision plus géométrique dans sa série plus récente en couleur.
Ici, comme dans sa pratique précédente, son regard sait capter ce rapport de l’homme avec le lieu. De même, les éléments formels en mutation marquant la nouvelle approche photographique de Lambert soulignent en quelque sorte les changements qu’a subis ce lieu.
Ainsi, en confrontant le passé et le présent, le noir et blanc et la couleur, l’artiste a voulu, à travers l’installation au Campus Walferdange, témoigner photographiquement et esthétiquement de ce processus de transformation.
Paul di Felice