Emop arendt award
European Month of Photography Arendt Award
Pour la deuxième édition du Prix « European Month of Photography Arendt Award » l’étude Arendt & Medernach montre les œuvres d’artistes émergents issues de la sélection de la « Short List » du projet commun « Memory Lab- Photography Challenges History » des huit capitales d’EMOP (Athènes, Berlin, Bratislava, Budapest, Ljubljana, Luxembourg, Paris et Vienne).
Le thème, qui se décline en plusieurs parties, aborde des sujets liés à la réinterprétation du document historique, la réutilisation artistique de l’archive, la juxtaposition de réalité et de fiction ainsi qu’à l’approche transhistorique.
Qu’elle soit en rapport avec l’histoire autour de la deuxième guerre mondiale, qu’elle s’inspire de l’histoire des conflits plus récents ou qu’elle soit simplement reliée à l’histoire par l’approche biographique, la photographie de ces cinq artistes témoigne d’une nouvelle conscience politique des artistes photographes aujourd’hui et révèle des positions artistiques qui permettent de déconstruire les représentations schématiques qui constituent notre mémoire collective.
Dans sa série Obersalzberg, l’artiste allemand Andreas Mühe s’inspire de l’esthétique qui renvoie à l’image du nazisme comme elle a été véhiculée à l’époque par le photographe Walter Frentz. A travers ses mises en scène décalées dans lesquelles interviennent des amis acteurs en uniforme, il provoque cette ambiguïté du message qui, dans sa connotation historique, se décline en images fascinantes, ironiques et distanciées à la fois.
A l’opposé de l’approche artistique d’un Mühe, Tatiana Lecomte, artiste franco-autrichienne, parle de cette même époque en prenant comme thème récurrent les camps de concentration. Que ce soit à travers les séries Zement, Ouradour ou B.B. (Bergen-Belsen), elle s’intéresse plus à la difficulté de représenter ces lieux qu’à la vision directe. Elle utilise différentes techniques comme l’agrandissement de l’image trouvée (Ouradour) ou l’utilisation de photographie faite par elle-même mais où elle cache une partie en posant une feuille sur la photo pendant le développement (Zement). Le sujet est évoqué par le titre mais la vision est perturbée et les lieux ne sont plus reconnaissables voire identifiables. Dans B.B., autre camp de concentration où les baraques avaient été brûlées, Tatiana Lecomte gratte la couche photographique pour faire ressortir la mémoire du lieu. En faisant apparaître ainsi des taches oranges qui ressemblent au feu, elle fait référence à l’histoire du lieu en procédant par une espèce de hors-champ photographique. Contrairement à ce qu’on pense généralement de la photographie, en la considérant comme le médium de l’enregistrement du réel, pour Tatiana Lecomte elle est souvent plus dans l’absence que dans la présence. C’est en obstruant notre regard qu’elle parvient à nous montrer ce qui est caché derrière les choses.
Une approche de l’histoire sous un angle plus social et individuel nous est montrée par l’artiste suédoise Lina Scheynius. En substituant ses photographies personnelles, réalisées en 2009 comme un journal intime, aux images entrées dans notre mémoire collective d’une ville de Sarajevo détruite par la guerre, elle a voulu donner une nouvelle vision de cette ville. En mélangeant les vues de la ville avec ses autoportraits et les situations avec son ami, elle raconte son histoire personnelle tout en faisant indirectement référence à la mémoire et à l’histoire de la ville.
Dans la série The Great Depression du Slovène Borut Peterlin le rapport à l’histoire nous est donné par le titre comme par la réalisation d’une technique ancienne appelée le procédé au collodion. Prises entre 2012 et 2014 et réalisées dans un style Vintage, pour rappeler d’autres crises historiques, ces photographies de paysages industriels déserts et de lieux de travail abandonnés, représentent la crise économique des dernières années en Europe.
Avec The End of the Long March, l’artiste hongrois Marcell Esterhazy utilise la métaphore du cerf pour questionner l’histoire. Animal mythique, majestueux avec sa ramure qui est le symbole de la fertilité, de la mort et de la renaissance, ce gibier noble est souvent représenté dans l’art. L’œuvre magnifique de Marcell Esterhazy réalisée en 2011 est basée sur une photographie d’album de famille, prise par son grand-père en 1935. D’après les documents trouvés, cet animal aurait été abattu par l’archiduc Joseph August, prince de Hongrie et de Bohème.
La nuit de chasse correspondrait au dernier jour de la longue marche de Mao Zedong durant la guerre civile chinoise, le 19 octobre 1935.
Ainsi cette photographie fait allusion à deux endroits et situations antagoniques réunis en quelque sorte par le titre. En lui donnant une conception contemporaine, Esterhazy en opposant le cerf abattu au ciel bleuté étoilée (transfert positif de moisissures et de larmes à partir du négatif) réussit à exprimer le drame humain dans toute sa complexité.
L’histoire apparaît différemment selon les perspectives que les artistes ont tracées. Chaque œuvre dans cette sélection est une tentative de défier la mémoire selon l’angle personnel du photographe. Finalement, ce sera l’attention du spectateur qui sera déterminante dans l’interprétation de ces œuvres qui témoignent toutes d’un décalage historique et d’une distanciation esthétique qu’il ne faudra pas manquer.