Dark celebration: Cédric Delsaux
Loin des images rassurantes et de leurs consolations illusoires, Cédric Delsaux s’emploie, série après série, à mettre en lumière la beauté vénéneuse des ténèbres, tapie au cœur de notre imaginaire autant que de notre quotidien. Qu’il parle de démesures industrielles, de délires de grandeur ou de rêves incertains, il élabore le catalogue raisonné de notre déraison en ayant recours à des dispositifs singuliers mêlant fausse réalité et véritable fiction. Inspirée par le cinéma et la littérature, son œuvre convoque, à parts égales, l’extraordinaire et le banal, le fantastique et le quotidien, pour rendre visible le pouvoir fictionnel des images et le potentiel fantasmatique de la réalité. À la série Nous resterons sur terre (2006-2008), panorama mondial et subjectif des relations entre l’homme et la nature à l’ère post-moderne, répond Dark Lens (à partir de 2004), suite photographique de « non-lieux » urbains habités par les héros de la saga Star Wars, qui a connu un succès planétaire. Dans la série Zone de Repli (2011-2014), il s’intéresse au cas de Jean-Claude Romand, ce père de famille sans emploi qui, après s’être inventé pendant dix-huit ans une vie de médecin et chercheur réputé, assassine toute sa famille en 1993, au moment d’être démasqué. L’alternance de visions floues et de détails très précis rend palpable les interminables errances monotones de l’affabulateur, créant un univers claustrophobe où chacun peut projeter ses propres peurs, sentiments ou explications.
Dans le cadre du Mois de la photographie à Luxembourg, la Wild Project Gallery présente une des dernières séries de Cédric Delsaux sous le titre de Dark Celebration. La série Underground Society (2013-2015), inédite à ce jour, poursuit son exploration des angoisses récurrentes de l’Humanité en plongeant les lieux comme les personnages de la série dans une troublante obscurité. Naufragés, abandonnés à leur sort, les survivants de l’Underground Society rendent visibles les hantises actuelles faites de devenirs apocalyptiques où catastrophes, tragédies et effondrements se succèdent sans répit. Mais, après tout, l’Underground Society n’est peut-être qu’une sensation, un état de sidération et de suffocation, une présence latente sur le point d’advenir, ou encore une peur lointaine, aussi vieille que cette fin du monde qu’on nous promet pour bientôt et qui tarde encore à venir.